>>Arcticle II : Le Concept

Cette découverte, nous la devons à Joachim Uriol, le plus grand explorateur de son temps. Toutes les terres de Klaëdr étaient connues, mises à part les terres de l'ouest. Toutes les expéditions envoyées à cet endroit furent un échec, et on ne revit jamais les hommes qui y prirent part. On parla alors d'un lieu maudit, une terre habitée par des démons. Joachim Uriol, se fichant de ces vieilles superstitions, décida de partir seul vers les contrées de l'ouest, et de prouver qu'il n'y avait rien là-bas de plus effrayant qu'ici. On ne le revit jamais... Plus personne n'osa s'aventurer dans cette partie du continent, et la vie reprit son cours comme si de rien n'était. Vingt ans plus tard, Joachim revint. Plus fort, plus grand, plus beau aussi, mais surtout emplit d'un savoir plus grand que tous celui des plus anciens du village. Ce qu'il raconta était à peine croyable.
Alors qu'il avait franchit la frontière de l'ouest, il se retrouva face à une immense falaise impossible à franchir, et seul un tunnel obscur et interminable permettait d'aller de l'autre côté. Prenant son courage à deux mains, il traversa le passage sombre pendant une bonne heure. Persuadé de n'aboutir nul part et de mourir perdu dans la falaise, il s'apprêtait à faire demi-tour lorsqu'il vit enfin la lumière. Son coeur s'était accéléré, enfin il allait savoir , enfin il allait percer le mystère de la terre de l'ouest. Joachim quitta le tunnel et se figea de stupeur. Face à lui, rien. Rien que le néant. Il était déçu, tout ça pour rien ? Juste quelques cailloux flottant dans une eau invisible et un ciel inexistant ? Où étaient donc passés les autres ? Tous ces hommes disparus, toutes ces familles qui pleuraient leur membres morts à jamais, ou pire ! Effaré, il s'apprêtait à rebrousser chemin, à rentrer chez lui, pensant déjà à son foyer qui l'attendait, au village et à la tristesse des habitants. C'est alors qu'une voix l'appela. Il se retourna vers le néant et n'en crût pas ses yeux. Le village, et tous ses habitants, tout était là devant lui. Exactement comme dans ses souvenirs. Pourtant, Alkhanä n'était pas située ici, il en était certain. Était-ce un tour de magie ? Une farce d'un quelconque dieu ? Joachim se souvint alors que le village était apparut au moment précis où il l'avait imaginé. Était-ce la clé du mystère ? Curieux, il pensa alors à un champs couvert de fleurs, brillantes au soleil. Le décor changea et le champs de son esprit se matérialisa. Incroyable ! Impossible ! Pour en être certain, il partit dans ce monde qu'il s'était inventé. Malheureusement, il perdit la notion du temps, rien ne lui manquait car ses moindres désirs étaient exaucés. Vingt ans s'écoulèrent ainsi sans qu'il ne songea à rentrer. Ce fut lors d'une nuit, qu'une louve vint visiter ses rêves pour lui rappeler que ce monde imaginaire n'était pas le sien, qu'il manquait à sa famille, qu'il devait rentrer. Se souvenant alors de la réalité, il demanda à retourner à la grotte de son arrivée et rentra chez lui.
Fort de cette expérience, il enseigna son savoir à son peuple. Il expliqua que les explorateurs disparus ne reviendraient jamais, prisonniers de leurs propres rêves. Il ordonna à ce que personne ne s'aventure dans ce monde, et on l'écouta. Entre temps Alkharä s'était étendue, était devenue puissante et florissante. Naturellement, Joachim Uriol en fut le souverain. Le peuple l'aimait et lui obéissait. Jamais le pouvoir ne lui monta à la tête, et il gouverna le reste de sa vie, multipliant les explorations des terres de l'ouest.

A toi étranger, toi qui veux t'y rendre, sache qu'un esprit faible ne pourra jamais en revenir. C'est un monde dirigé par la seule volonté de celui qui y pénètre. Les forces qui le dirigent sont complexes et dépassent ta mortelle imagination.

La découverte du mystère de Klaëdr marqua le début d'une autre époque. Le roi Joachim s'éteignit un soir d'été, dans son lit, alors qu'il attendait la Grande Faucheuse le plus sereinement du monde. Sa fille Lennëa prit le pouvoir à la suite de son père. Elle était douce et aimante, forte et intelligente. Aucunes lois ne lui interdisaient de prendre un époux de haut rang, aussi eut-elle la chance de faire un mariage d'amour. L'heureux élu se nommait Dimitri, un fils de forgeron tout ce qu'il a de plus simple. Un charmant jeune homme, aussi aimé du peuple que l'était sa femme. Durant tout ce temps, Alkanä gagna en taille et en splendeur. Mais l'opulence ne pouvait régner sans qu'un malheur ne frappe la belle cité. L'hiver de l'an 582, 6ème années du règne de Lennëa. Le temps était épouvantable, et l'hiver ne se retirait pas. Les derniers flocons tombèrent en mai, et le printemps arriva seulement en juin! La cité n'ayant pas prévu cette catastrophe, la famine frappa. De nombreuses personnes moururent, de même que la reine, et les survivants se disputaient le moindre bout de viande. La population diminuait de deux tiers, et le chaos régnait sur ce qu'il restait du village gai et joyeux. Fou de chagrin par la mort de sa bien-aimée, Dimitri se retira dans les terres de l'ouest, abandonnant la cité derrière lui. Il s'inventa un monde où Lennëa vivait encore, où elle l'attendait et l'aimait, où ses bras se tendaient sitôt qu'il franchissait les porte du palais pour l'acceuillir. Un monde où son chaleureux sourire lui redonnait force et foi dans l'avenir. Pendant deux longues années il laissa la chagrin et le désespoir le ronger, jusqu'à sombrer dans la folie. Comme Joachim avant lui, une louve vint le voir. Elle se présenta comme Horo, la déesse des moissons. Sa taille était gigantesque, son pelage roux sur le haut de son corps laissait place au blanc le plus pur sur son ventre. Ses beaux yeux ambrés emplis de sagesse vinrent redonner confiance au jeune roi. Elle promit de l'aider à surmonter sa peine, et de secourir son peuple. Persuadé d'être fou pour de bon, il obtempéra à la demande de la déesse. Celle-ci prit alors l'apparence d'une jeune femme aux longs cheveux roux, à la peau d'ivoire, aux lèvres d'un rouge sang qui donnait envie de l'embrasser. Sa beauté dépassait de loin tout ce que Dimitri avait vu dans sa courte vie de mortel. Seul les oreilles et la queue prouvaient que la femme n'était pas humaine. Elle le prit par la main et le ramena à la capitale. Grâce à sa magie, elle remit les saisons en ordre, elle aida la terre à donner du blé en abondance, et la famine quitta la cité. Horo demeura auprès du roi, et les villageois louèrent sa sagesse et sa beauté. Grâce à elle, Alkhanä se lança dans le commerce, car en plus de ses multiples talents, Horo était une fine stratège et était intraitable en affaire. La cité atteignit un autre niveau, les conditions de vie s'amélioraient grandement de jour en jour, et on se préparait à chaque hiver à affronter une famine aussi cruelle que celle qui avait frappé.
Cependant, toute chose ayant une fin, il fallait que celle-ci aussi en ait une. Dimitri commit l'erreur que tout homme aurait commise : il tomba amoureux de la déesse. Redoutant ce jour, car elle savait qu'il arriverait, elle quitta Alkhanä et n'y revint jamais. Du moins, pas du vivant de Dimitri.

Les années passèrent et Horo devint une légende, bien que l'on continua à l'adorer. Toujours les offrandes affluaient sur l'hôtel, toujours l'on chantait ses louanges. Et puis un événement sans précédent se produisit : les dieux en eurent assez ! Ils quittèrent leur monde de magie pour venir vivre parmi les hommes sous forme animale. Il était facile de les reconnaître : leur taille était gigantesque ! Très peu de personnes réchappaient à une rencontre divine. Ces créatures merveilleuses eurent des enfants avec des animaux normaux. Des enfants qui gardaient une taille disproportionnée et la faculté de se changer en humain. Certains s'en allèrent vivre à la cité, et bien vite on parla de Daemons. Le lien qui unissait chaque monde devenait de plus en plus étroit au fil du temps, sans que personne ne sache comment c'était possible. On gardait cependant en mémoire l'histoire d'amour désastreuse de Dimitri, et on proscrit l'amour entre Humains et Daemons.